L’année dernière Google avait lancé le projet 10^100. Le but était de faire appel aux idées des internautes "pour changer le monde en venant en aide au plus grand nombre". L'internaute devait donner différents critères lors de l'énoncé de son idée : le nombre de bénéficiaires estimé, l'impact attendu, le faisabilité à court terme et enfin l'efficacité ou la rentabilité du concept avec la possibilté de l’accompagner d’une video de 30 secondes. Chaque idée devait correspondre à une catégorie : communauté, environnement, santé, éducation, etc. Un planning avait été annoncé. Dès janvier 2009, le public devait voter pour les 20 projets finalistes à partir d'une sélection de 100 projets choisis par un groupe de 'Googlers'. Au final, c'était un comité de spécialistes qui allait trancher pour sélectionner les 5 projets gagnants. Ces derniers bénéficiaient chacun d'un financement de 10 millions de dollars de la part de Google. De tout cela, il n’y a rien été. En effet, le calendrier n'a jamais été respecté ; le vote des internautes a été repoussé d'abord en mars avant de se faire fin septembre. Les régles ont été modifiées au bon vouloir du géant de Mountain View : "certaines des idées que nous avons reçues concernaient de très larges secteurs d’investissement, alors que d’autres étaient très ciblées, et beaucoup partageaient les mêmes éléments. Plutôt que de publier ces idées individuellement, nous avons décidé de faire quelque chose de légèrement différent. Nous avons rassemblé les idées similaires en 16 thèmes dominants destinés à répondre aux problèmes majeurs, de la transparence des gouvernements à l’innovation dans le transport public". Selon le comité officiel de Google : " la route a été longue et sinueuse pour ceux d’entre nous qui ont travaillé sur ce projet depuis le début. Même s’il nous a fallut beaucoup plus de temps que prévu, nous sommes satisfaits du résultat. A la fin, nous avons suivi la très efficace méthode propre à Google consistant à tester et retester." Comprenne qui pourra.
Que doit-on en conclure ? Google fait un concours, il émet des règles jusque ici tout est normal et, là c’est la nouveauté, il les modifie au fur et à mesure comme bon lui semble. D'ailleurs, un projet qui a pour ambition de venir en aide à un maximum de personnes, n'a-t-il pas le droit de faire des entorses au réglement ? Et puis, il ne faut pas oublier que la devise du géant américain est "Don't be evil" ; pourquoi s'en inquiéter ? En effet, sous couvert de maximiser le bien-être du plus grand nombre, de prôner un discours universel Google en oublie souvent la morale. Par exemple, on retrouve cette pensée utilitariste dans un autre projet de Google celui de numériser toutes les bibliothèques du monde. Dans Google Story, David Wise raconte comment Page, le co-fondateur de Google, fait une proposition téméraire en 2002 à l’Université du Michigan :”il était prêt à payer l’addition pour la numérisation de tous les livres de la bibliothèque s’il pouvait ajouter ce corpus à l’index de Google. L’idée consistait à mettre des millions de livres, qui constitueraient la sources d’informations la plus importante et la plus évidente, dans un format qui permettrait l’accès à un plus grand nombre de personnes.” C’est donc au nom du bien procuré au plus grand nombre que Google numérise sans vergogne des livres épuisés mais toujours couverts par le droit d’auteur !
Quoi qu'il en soit, les modifications des règles d'un concours sont anecdotiques. Mais il y a un "je ne sais quoi" dans le discours et la pensée des dirigeants de Google qui devrait inciter les décideurs politiques à plus de prudence et de réserve (1).
(1) en référence à la déclaration de François Fillon sur l'affaire BnF- Google : "Pour moi, Google n'est pas un problème, mais un défi »
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